Les Frères des écoles chrétiennes

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 Blason traditionnel de l’Institut des Frères des écoles chrétiennes.

  Les frères des écoles chrétiennes (ou lasalliens) forment un institut religieux voué à l’éducation des jeunes des classes modestes, fondé à Reims en 1684 par saint Jean-Baptiste de La Salle. L’emblème de l’Institut est une étoile d’argent rayonnante placée sur un bouclier bleu dans lequel figure la devise « Signum Fidei » ou « Signe de la Foi. » L’étoile fait allusion à la foi et à la charité avec la devise, « Indivisa manent » (« que rien ne nous sépare jamais! – restons toujours unis ! »),

                                                  Généralités

  • L’institut des Frères des Écoles chrétiennes, expressément désigné ainsi par le fondateur lui-même, est une congrégation religieuse de droit pontifical à vœux simples. Les Frères ne sont pas prêtres. Aux vœux traditionnels de pauvreté, chasteté, obéissance, les frères ajoutent une consécration totale de leur personne à la Sainte Trinité qui conduit à un engagement de stabilité dans la société pour tenir ensemble et par association les écoles gratuites ou faire dans ladite société ce à quoi ils seront employés soit par leurs supérieurs, soit par le corps de la société.
  • Les frères portaient une soutane noire non boutonnée avec un large rabat blanc, ils étaient familièrement surnommés les « Frères quatre bras » à cause de leur grand manteau à manches flottantes.
  • Afin de mieux attacher ses disciples à leur vocation d’instituteurs, Jean-Baptiste de La Salle avait écarté résolument les Frères du sacerdoce en leur interdisant l’étude du latin, et cette règle fut strictement observée jusqu’en 1923. À cette époque, par une lettre adressée au 34e chapitre général, le pape Pie XI, leur demandait formellement d’ouvrir leurs programmes aux études classiques. Les frères se sont inclinés devant la volonté pontificale et ont modifié leurs Règles, afin de pouvoir aborder l’étude du latin et l’enseignement classique.

                                   Histoire de l’Institut des frères

  • En 1719, à la mort du fondateur, 274 frères enseignaient à 9 885 élèves dans 23 écoles.
  • En 1724, la Congrégation obtenait de Louis XV des Lettres patentes qui lui conféraient la personnalité civile; l’année suivante, le pape Benoît XIII, par la Bulle In Apostolicae dignitatis solio, lui octroyait le rang de congrégation religieuse.
  • Au cours du XVIIIe siècle, l’Institut se développa rapidement. Les programmes d’études sont particulièrement innovants pour l’époque. Ainsi, au pensionnat d’Angers, comme à Saint-Yon de Rouen, et à Maréville de Nancy, outre le programme des écoles primaires, on enseignait : l’histoire, la géographie, l’histoire naturelle, l’hydrographie, la mécanique, la cosmographie et les langues. On y donnait des cours de sciences et de dessin industriel, des cours de mathématiques et d’architecture. On y pratiquait certains métiers : tissage, travail du fer et du bois.
  • À la veille de la Révolution, il y avait, en France, 930 frères, répartis en 128 établissements et donnant l’instruction à 35 700 élèves. En Italie, l’Institut comptait également deux écoles qui servirent de refuge à un certain nombre de Frères pendant la période révolutionnaire.
  • Comme toutes les autres congrégations enseignantes, l’Institut des frères est supprimé le 18 août 1792 par un décret de l’Assemblée législative « considérant qu’un État vraiment libre ne doit souffrir aucune corporation, pas même celles qui, vouées à l’enseignement public, ont bien mérité de la patrie1. »
  • Les Frères refusèrent en masse de prêter le serment de la Constitution civile du clergé, devenus des instituteurs publics, ils ne pouvaient accepter d’enseigner le catéchisme révolutionnaire. Le secrétaire général de l’Institut, Nicolas Leclerc (frère Salomon), béatifié par la suite, fut massacré dans la prison des Carmes à Paris le 2 septembre 1792. Toutes les écoles furent évacuées le 1er octobre 1792. Les frères réfractaires n’eurent droit à aucune indemnité. Tous les biens de l’Institut furent saisis.
  • Les Frères sont à nouveau autorisés sous l’Empire grâce à l’influence de l’inspecteur général Ambroise Rendu, qui exige cependant d’eux (et des autres congrégations) un brevet d’enseignement.
  • Le 15 août 1808, un décret de Napoléon Ier sur l’éducation prévoyant notamment, dans son article 38, que les écoles doivent désormais suivre les « principes de l’Église catholique », stipule dans son article 109 que les Frères des écoles chrétiennes s’occuperont désormais de l’enseignement primaire et formeront les instituteurs. Ils reprennent donc officiellement leurs fonctions en 1810. Encouragés à se développer pour contrer l’influence des jésuites, autorisés en 1816 à revenir en France, ils se développent rapidement dans toute la France.
  • Ce rapide essor inquiéta les milieux libéraux et anticléricaux. Afin d’y apporter une alternative, une nouvelle méthode d’enseignement, l’enseignement mutuel, dont le modèle était importé d’Angleterre, fut promue2. L’enseignement mutuel fut interdit par le pape Léon XII en 18243. Dans les années qui suivent la révolution de 1830, plus de 2 000 écoles mutuelles existent, principalement dans les villes, en concurrence avec les écoles confessionnelles. En 1833, François Guizot, ministre de Louis-Philippe Ier, promeut une nouvelle loi visant à organiser l’éducation primaire, tranche aussi, sur les méthodes pédagogiques, pour l’enseignement simultané des écoles lasalliennes, au détriment de l’enseignement mutuel qui, dès lors, entame un recul qui le mène en quelques années à la marginalisation.
  • L’année 1900 marque pour l’Institut, l’apogée de sa prospérité en France. Le jury de l’Exposition universelle de Paris lui décerne plus de 60 récompenses, dont 4 grands prix, 14 médailles d’or et 21 médailles d’argent. En cette même année 1900, le 24 mai, le pape Léon XIII, devant 34 cardinaux et 250 évêques, procède à la canonisation du fondateur, saint Jean-Baptiste de La Salle.
  • Cependant, l’exode des frères hors de France amorcé dès 1881, avec les lois laïques de Jules Ferry, est général après la suppression légale de l’ordre en France le 7 juillet 19044. L’Institut compte 15 457 frères dont 10 651 en France5.
  • À la déclaration de guerre, en 1914, la plupart reviennent en France, et mille huit cent quatre-vingt dix d’entre eux sont mobilisés.
  • Entre les deux guerres, beaucoup de frères se sécularisent, gardant ainsi une place dans le domaine scolaire.
  • En 1955, on dénombrait quatre mille frères des Écoles chrétiennes œuvrant dans trois cent quarante-quatre écoles primaires ou complémentaires, trente-deux écoles secondaires et quarante-trois écoles techniques.

 

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Jean-Baptiste de La Salle par Pierre Léger

                                       Innovations pédagogiques

Au XVIIIe siècle, Jean-Baptiste de La Salle et ses premiers disciples n’ont pas ouvert un seul type d’école. Ils ont su répondre, d’une manière adaptée, aux diverses demandes. Ils ont créé :

  • des écoles primaires, gratuites, organisées par classe, adaptées aux enfants : Jean-Baptiste de la Salle recommande l’apprentissage de la lecture dans la langue maternelle. Jusque-là, on apprenait d’abord à lire en latin. Chez les frères, l’enseignement est simultané, les élèves sont groupés par niveau. Auparavant le maître, l’Écolâtre, s’occupait individuellement des enfants. Pendant ce temps, les autres restaient inactifs ;
  • des Écoles normales. Jean-Baptiste de La Salle eut pour souci constant d’assurer une sérieuse formation des maîtres, une formation tout à la fois chrétienne et pédagogique, il inaugura un premier Séminaire (ou École normale) de Maîtres pour la campagne, à Reims, en 1684; un second, en 1685, et un troisième, à Paris, en 16996, ce qui lui valut le titre d’« Instituteur des Instituteurs ». Avant lui, les écoles étaient sans organisation et sans lien entre elles. Le recrutement et la formation des maîtres n’offraient que de médiocres garanties. Il conçut un vaste plan d’organisation scolaire et créa les organes propres à le réaliser.
  • des cours d’adultes qui permettent à l’ouvrier, à l’apprenti, après sa journée de travail, de perfectionner sa culture intellectuelle, en vue d’élever sa situation, ou tout au moins de l’améliorer. Ainsi des écoles dominicales sont-elles créées, à Paris en 1698 et 1703. Ces cours d’adultes seront réorganisés par les Frères en 1830.
  • des classes de formation professionnelles (préparant à un métier) pour les fils de bourgeois commerçants, où le sens pratique est développé. Les élèves travaillent sur des contrats, des imprimés et autres documents dont ils sauront se servir plus tard. La première école professionnelle est établie à Paris, sur la paroisse Saint-Sulpice, en 1699, une seconde est créée à Saint-Yon en 1705.
  • des « pensions de force » pour la rééducation des enfants difficiles et des jeunes délinquants.

                                            Idées d’avant garde

  • Connaître l’enfant. Le maître s’intéresse à son milieu social et familial. Chaque écolier a son dossier. Tous les mois, les élèves peuvent changer de division, s’ils sont arrivés au niveau.
  • Adapter l’attitude éducative au caractère de l’enfant. Jean-Baptiste de La Salle écrit par exemple : « On s’abstiendra de corriger les enfants dans le commencement qu’ils viennent à l’école. Il faut commencer par connaître leur esprit, leur naturel, et leurs inclinations ».
  • Faire participer l’élève à son enseignement. Le maître demande un effort personnel, pose des questions, laisse chercher l’écolier, demande des travaux pratiques (composer des problèmes, rédiger des quittances…). Le maître parle peu et ne dispense pas de cours magistraux.
  • Faire participer l’élève à la vie de l’école. On établit tout un système de service pour la communauté. Par exemple :
    • Le clavier : il ouvre et ferme les portes de l’école ;
    • L’aumônier : il ramasse le pain et les fruits en trop pour les donner aux plus démunis ;
    • Le sonneur : il sonne le début et la fin des classes ;
    • les premiers de banc : ils marquent les absents et jouent un rôle de leader pour leur « banc » ;
    • Les visiteurs des absents, deux par quartier : ils vont voir les écoliers malades ;

Certes, depuis trois siècles, la connaissance de l’enfant et sa pédagogie se sont beaucoup enrichies. Quelques attitudes demandent aujourd’hui à être révisées, comme le caractère trop logique des méthodes, l’insistance sur le silence et sur la gravité, au détriment de la liberté d’expression. Mais les principes pédagogiques mis en œuvre chez les frères restent toujours valables : le caractère global de l’éducation (à la fois chrétienne, intellectuelle, pratique et morale), l’importance des bases que sont la lecture, l’écriture, le calcul, l’usage de la répétition, du contrôle régulier.